Le nouveau contenu portant sur la microbiologie de l'USP soutiendra la fabrication de thérapies cellulaires et géniques​​​​​​​

Don Singer, conseiller principal en microbiologie de la division des sciences biologiques d'Ecolab, a contribué à la rédaction de l'article suivant, paru dans l'American Pharmaceutical Review. Reproduit ici avec leur permission.

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Résumé
Dans cet article, les membres du comité d'experts en microbiologie de l'USP discutent des initiatives prises pour répondre aux besoins des fabricants de thérapies géniques et cellulaires dans les domaines du contrôle et des tests de la contamination microbienne. De nouveaux chapitres généraux de l'USP, en préparation, traitent de l'évaluation et de l'atténuation des risques microbiens, ainsi que des technologies microbiologiques modernes de contrôle de la contamination microbienne et de la stérilité, qui conviennent, en termes de délai d'obtention des résultats, aux produits à courte durée de vie. Comme ces chapitres sont publiés sur le site Web de l'USP en tant que révisions en cours, nous encourageons nos parties prenantes à formuler des commentaires.


Introduction
Le domaine de la thérapie cellulaire et génique évolue rapidement.​​​​​​​ Un nombre croissant d'études cliniques sont réalisées chaque année, ce qui entraîne une augmentation des demandes d'homologation et des préoccupations concernant la conception et la cohérence de la fabrication de ces thérapies modernes. Pour les patients, l'accès à ces thérapies est essentiel, tout comme les contrôles stricts visant à prévenir la contamination microbiologique pendant le cycle de vie du traitement, du patient à la fabrication, puis de nouveau au patient. Les produits de thérapie cellulaire peuvent être soumis à divers procédés de fabrication, y compris des étapes telles que la sélection, la modification génétique des cellules, l'expansion, la purification et la cryoconservation. Les thérapies cellulaires sont fabriquées en petits volumes, souvent en un seul lot pour un seul patient, et font l'objet de procédés de fabrication uniques liés à chaque produit qui peuvent nécessiter de nombreuses manipulations aseptiques.​​​​​​​ Elles se distinguent ainsi des produits pharmaceutiques classiques à grande échelle visés à l'origine par les directives générales sur les bonnes pratiques de fabrication actuelles.​​​​​​​ La plupart des produits de thérapie cellulaire ne font pas l'objet d'une étape de stérilisation finale, mais ils sont fabriqués dans des conditions qui empêchent toute contamination microbienne et peuvent donc être considérés comme des « produits fabriqués de manière aseptique ». Depuis 200 ans, la United States Pharmacopeia (USP) est une importante source de renseignements et de normes actuelles pour l'industrie pharmaceutique. Les deux premiers chapitres de l'USP à avoir été consacrés à l'industrie de la thérapie cellulaire et génique furent le chapitre <1046> Thérapies avancées à base de cellules et produits tissulaires et le chapitre <1047> Produits de thérapie génique,​​​​​​​ rédigés par le comité d'experts sur les produits biologiques et les thérapies innovantes.

Le comité d'experts en microbiologie (Microbiology Expert Committee ou MEC) des chapitres généraux pour la période 2020-2025 élabore actuellement de nouvelles propositions de chapitres afin de fournir des connaissances fondamentales sur le contrôle microbiologique dans la fabrication des thérapies cellulaires et géniques, ainsi que sur les méthodologies modernes de tests de contamination microbienne.


Une perspective centrée sur le patient
L'origine des cellules, la matière première essentielle de ces thérapies, est le donneur.​​​​​​​ La dose finale administrée, fabriquée à partir des cellules du donneur, est redonnée soit au même patient (autologue), soit à de nombreux autres patients (allogénique). Par conséquent, la protection des cellules du patient contre la contamination microbiologique tout au long du cycle de vie est une préoccupation majeure, qu'il s'agisse de la collecte, du traitement ou de l'administration.​​​​​​​ Dans le cas des patients atteints d'une maladie potentiellement mortelle, on s'attend à des délais d'exécution et à des cycles de vie courts. Le procédé de fabrication et les tests concomitants doivent donc répondre à ces exigences par rapport aux produits pharmaceutiques classiques. La conception du procédé de fabrication et les régimes de tests basés sur les risques tiennent compte de cette courte durée de cycle pour garantir l'accès des patients aux thérapies.


Contrôles microbiologiques​​​​​​​
Les nouveaux chapitres élaborés par le MEC de l'USP jettent les bases d'une approche fondée sur les risques pour évaluer les procédés de fabrication et déterminer les options d'atténuation pour les produits à courte durée de conservation qui ne peuvent être stérilisés en phase terminale ni filtrés de manière aseptique. Le contrôle microbiologique des cellules du donneur pendant la collecte est un important point de départ.​​​​​​​ Les sources potentielles de contaminants microbiens provenant des installations et des procédés environnants font alors partie de l'évaluation des risques qui peut conduire à l'élaboration d'une stratégie de contrôle de la contamination avec des mesures d'atténuation appropriées et pratiques, en phase avec le chapitre <1211> Assurance de la stérilité.

En intégrant une approche de la qualité par la conception conforme aux normes ICH Q8, Q9 et Q10, le paysage changeant de la fabrication des thérapies cellulaires et géniques a été marqué par des avancées dans les technologies de procédés qui appliquent des opérations auparavant manuelles « ouvertes » (ou exposées) réalisées dans des enceintes de biosécurité à de nouvelles opérations entièrement fermées avec des étapes de procédés uniques ou multiples réalisées par un instrument et utilisant des sacs à usage unique.

Des contrôles microbiens adéquats prenant en compte les réactifs, l'équipement de traitement, l'installation et le type d'opérations de fabrication pour empêcher les thérapies d'être contaminées au cours de la fabrication favoriseront davantage la sécurité des patients que le fait d'accorder une importance excessive aux tests sur les produits finis. On dit souvent que « le produit est le procédé » lorsqu'il s'agit de produits de thérapie cellulaire et génique et un principe de base de la qualité est qu'il n'est pas possible « d'améliorer la qualité d'un produit par un test ». À cette fin, un nouveau chapitre est en cours de rédaction pour fournir des conseils sur les mesures d'atténuation des risques de contamination microbienne dans le cadre de la mise en œuvre d'un programme de stratégie de contrôle microbien. Étant donné que chaque procédé de fabrication de thérapie cellulaire et génique est souvent unique, qu'il est soumis à des contraintes de temps et qu'il comprend des étapes manuelles, les exigences et les contrôles pharmaceutiques traditionnels peuvent ne pas être entièrement applicables et nécessiter une adaptation. Des exemples d'approches fondées sur les risques dans le chapitre proposé aideront le lecteur à catégoriser les risques et incluront des mesures d'atténuation pour trouver un équilibre entre les risques de contamination et une meilleure utilisation des ressources au niveau des points de contrôle de la contamination les plus critiques et permettre une distribution rapide du produit au patient. Les risques élevés liés à une zone ISO 7 située autour d'une enceinte de sécurité biologique ISO 5 comprennent les interventions humaines avec une exposition du produit à l'environnement (par exemple, l'utilisation de seringues à grand volume pour le transfert ouvert de matériel dans des sacs). Il conviendrait de réduire la fréquence des contrôles de l'environnement et du personnel afin de réduire les interventions humaines.​​​​​​​ Pour les systèmes entièrement automatisés fonctionnant dans des isolateurs fermés sans intervention humaine, la surveillance du personnel peut être éliminée et la surveillance de l'environnement considérablement réduite.

Ce chapitre se concentrera sur plusieurs éléments critiques du contrôle microbien qui sont spécifiques aux produits de thérapie cellulaire et génique, tels que la qualification et l'habillement aseptique de l'opérateur, la simulation du processus aseptique (remplissage des milieux), la circulation du matériel et du personnel, le nettoyage et la désinfection des équipements et des surfaces de travail, ainsi que la qualité et le contrôle du matériel d'aphérèse, du sang, des cellules ou des tissus, des matières premières et des milieux/solutions de culture. Des conseils pour les tests de contrôle de la qualité du produit fini seront également inclus, et différents concepts pour les tests rapides ou la libération (par exemple, la libération négative à ce jour) y seront décrits. Étant donné que ces produits ont souvent un volume final très faible et peuvent constituer un lot unique, comme dans le cas des thérapies autologues, la taille du volume de l'échantillon peut poser problème. Un volume d'échantillon excessif consommerait du matériel précieux et un volume trop faible rendrait statistiquement le test uniquement capable de détecter une contamination microbienne grossière. Des niveaux de contamination élevés seraient probablement détectés avant la conduite du test de stérilité sous la forme d'une turbidité anormale observée dans la culture cellulaire ou d'une diminution soudaine du rendement et de la viabilité ou de la taille des cellules de mammifères. Ce chapitre fournira une formule mathématique permettant de définir un volume d'échantillon adéquat en estimant la probabilité de détection d'une contamination à partir d'un produit et d'un volume d'échantillon connus.​​​​​​​


Systèmes fermés​​​​​​​
Une révision du chapitre <1211> Assurance de la stérilité sera proposée afin d'améliorer la clarté des renseignements sur les systèmes fermés. Outre la fabrication de thérapies cellulaires, d'autres étapes du traitement aseptique peuvent être entièrement fermées, comme les opérations manuelles de manipulation de cellules de mammifères, qui doivent être protégées de toute contamination microbienne extrinsèque.​​​​​​​ L'industrie a depuis longtemps développé des moyens de manipuler les cellules dans des systèmes fermés tels que des isolateurs conçus pour être utilisés pour la culture et le traitement des cellules ou les tests de stérilité. Certains de ces isolateurs ont des systèmes de décontamination intégrés qui peuvent être validés.​​​​​​​ Dans le secteur des produits pharmaceutiques ou des vaccins, les isolateurs n'étaient autrefois envisagés que pour les opérations de remplissage final, mais ils sont aujourd'hui conçus pour de multiples types d'opérations fermées faisant appel à la robotique, et peuvent constituer une solution de rechange à l'utilisation d'enceintes de biosécurité.


Tests modernes de contrôle de la qualité
Les nouvelles technologies nous obligent à repenser la conformité. L'USP soutient les méthodes microbiennes rapides utilisant une approche basée sur le risque dans le chapitre <1071> Tests microbiens rapides pour la libération de produits stériles à courte durée de vie : une approche basée sur le risque et a commencé à publier des propositions de chapitres pour différentes méthodes microbiologiques modernes mieux adaptées à l'industrie en pleine croissance de la thérapie cellulaire. Ces nouveaux chapitres proposeront des méthodes pour les technologies basées ou non sur la croissance, qui génèrent des résultats analytiques au lieu d'évaluations subjectives basées sur la turbidité ou les unités formant colonies, et qui permettent une obtention plus rapide des résultats.

Les tests de stérilité officinaux harmonisés tels que représentés dans le chapitre <71> Tests de stérilité qui spécifient les quantités d'échantillons et le nombre minimum d'unités à tester sont incompatibles avec les produits de thérapie cellulaire et génique de petit volume. De plus, l'examen macroscopique final du milieu de croissance microbiologique pour trouver des preuves de croissance microbienne après une période d'incubation de 14 jours dépasse souvent la courte durée de conservation de beaucoup de ces produits, surtout si la formulation finale ne peut pas être cryoconservée.​​​​​​​ L'USP élabore actuellement plusieurs chapitres concernant la détection rapide de la contamination microbienne à l'intention des promoteurs de produits de thérapie cellulaire et génique (et d'autres produits à courte durée de conservation), afin qu'ils les soumettent comme tests de libération dans les demandes réglementaires, à la place du test de stérilité classique.​​​​​​​ Deux d'entre eux ont été publiés dans le Pharmacopeial Forum et ont reçu des commentaires favorables des parties prenantes.​​​​​​​ Le premier concerne les méthodes basées sur la croissance qui mesurent la production de CO2 à partir de la respiration cellulaire. Ces méthodes détectent la production de CO2 en utilisant des techniques de colorimétrie, de fluorométrie ou de pression dans l'espace vide. Cette procédure a été décrite dans le chapitre <72> Méthodes microbiennes rapides basées sur la respiration pour la libération de produits à courte durée de conservation​​​​​​​ (PF 46(6)). Le second chapitre concerne les méthodes basées sur la croissance qui mesurent la bioluminescence de l'ATP. Ces méthodes utilisent le réactif luciférine-luciférase pour générer une réaction de bioluminescence de l'ATP détectée à l'aide d'un instrument d'imagerie pour générer un signal en corrélation avec des colonies microbiennes ou une croissance dans un bouillon microbiologique. Cette procédure a été décrite dans le chapitre <73> Méthodes microbiennes rapides basées sur la bioluminescence de l'ATP pour la libération de produits à courte durée de conservation​​​​​​​ (PF 46(6)). D'autres chapitres en cours de développement reposent sur des technologies non basées sur la croissance, telles que la cytométrie en phase solide et la détection par amplification des acides nucléiques.​​​​​​​

En raison de la nature des cellules d'origine humaine, il y a toujours un risque que d'autres agents adventices (outre les bactéries et les champignons) provoquent une contamination, comme les mycoplasmes ou les virus provenant de sources autochtones. Les virus liés au procédé (c'est-à-dire les vecteurs) sont étroitement surveillés pendant la production et la distribution des produits de thérapie génique. La détection de virus exogènes fait partie de l'évaluation du contrôle de la qualité en soumettant à un dépistage le matériel source du donneur pour les thérapies allogéniques et les matières premières d'origine animale. Selon la réglementation américaine ou internationale, le matériel source du donneur pour les thérapies autologues peut ne pas nécessiter de dépistage puisque la thérapie est retournée au donneur.​​​​​​​

Le dépistage des mycoplasmes actuel, décrit au chapitre <63> Tests de dépistage des mycoplasmes consiste en deux techniques, à savoir une méthode de culture et une méthode de culture de cellules indicatrices, souvent désignée sous le nom de H-Stain (Hoechst Stain). Ces méthodes sont fréquemment utilisées conjointement pour tester les produits de thérapie cellulaire et génique, comme l'indique le document de 1993 de la FDA intitulé Points to Consider in the Characterization of Cell Lines Used to Produce Biologicals (Éléments à prendre en compte pour la caractérisation des lignées cellulaires utilisées pour la production de produits biologiques). La méthode de culture des cellules indicatrices permet d'obtenir un résultat en 3 à 5 jours, mais sa limite de détection est plus élevée que celle de la méthode de culture en milieu gélosé et en bouillon, qui nécessite 28 jours pour obtenir un résultat final.​​​​​​​ Ce long régime de test dépasse souvent la courte durée de conservation de nombreux produits de thérapie cellulaire et génique, et ne convient donc pas comme test de libération du produit.​​​​​​​ L'utilisation de la détection des acides nucléiques avec amplification en chaîne par polymérase permet d'obtenir des résultats plus rapidement et est considérée comme la technologie de pointe actuelle. Il existe de nombreux types de techniques de test d'amplification des acides nucléiques, notamment la PCR standard, la PCR quantitative (qPCR), la PCR avec transcription inverse (RT-PCR) et la PCR numérique en gouttelettes (ddPCR). L'USP prépare un nouveau chapitre qui décrira les différents types de méthodes d'amplification des acides nucléiques qui peuvent être utilisés pour détecter rapidement les mycoplasmes, souvent avec des résultats le jour même, ce qui sera très utile pour les tests d'ingrédients, de produits en cours de fabrication et de produits finis.

L'adoption de méthodes microbiologiques rapides comme tests de libération des produits est essentielle pour garantir la sécurité des produits de thérapie cellulaire et génique, surtout pour les thérapies destinées à un patient particulier et dont la durée de conservation est courte, de l'ordre de quelques jours ou de quelques heures. La thérapie cellulaire et génique n'en est encore qu'à ses débuts, mais les récentes avancées dans les traitements tels que les immunothérapies anticancéreuses à base de cellules CAR-T nécessitent le développement d'analyses modernes de pointe pour soutenir la livraison de ces produits prometteurs aux patients.​​​​​​​ Cela nécessitera une collaboration entre le monde universitaire, l'industrie, les organismes de réglementation gouvernementaux et les pharmacopées​​​​​​​. L'USP s'engage à évaluer les nouvelles technologies, à fournir un mécanisme clair pour valider les méthodes non conventionnelles dans les chapitres informatifs, et à ajouter les nouvelles technologies soutenues par des connaissances scientifiques adéquates dans les chapitres généraux afin de promouvoir le développement de ces produits et d'autres produits de thérapie avancés représentant l'avenir de la médecine.


Références

  1. https://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/cell-therapy-market
  2. https://www.fda.gov/news-events/press-announcements/statement-fda-commissionerscott-gottlieb-md-and-peter-marks-md-phd-director-center-biologics
  3. Cundell, T., S. Drummond, I. Ford, D. Reber et D. Singer. 2020 Risk Assessment Approach to Microbiological Controls of Cell Therapies, PDA J. Pharm. Sci. & Technol. 74 (2) 229-248; DOI : https://doi.org/10.5731/pdajpst.2019.010546

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